mardi 29 décembre 2009

Le conte des bergers

Un berger des Landes – appelons le Ehlem – prenait bien soin de ses moutons depuis 2004, si bien que son troupeau était passé de 50 à 110 moutons en 5 ans. Il partageait depuis peu ses pâturages et sa bergerie avec un autre berger : Davitta. Celui-ci avait des moutons plus difficiles à élever et son troupeau avait un peu diminué ces dernières années, mais depuis que les deux bergers étaient ensemble, les choses allaient mieux et le troupeau de Davitta s'était stabilisé.
Ehlem était en train de surveiller son troupeau, réfléchissant à d'autres prés où il pourrait faire paître ses moutons, quand soudain un hélicoptère se pose devant lui dans un nuage de poussière. En sort un vieil homme en complet sombre, accompagné d'un jeune homme avec des chaussures à faire pâlir Roland Dumas, et de 6 gardes du corps avec costume et oreillette.
Le vieil homme dit à Ehlem : « Vous ne gérez pas bien vos moutons. Je prends votre place. Je vais m'occuper d'eux ».
Sidéré, Ehlem voit alors une rutilante Range Rover monter la colline dans sa direction. Le chauffeur, un jeune homme dans un complet Armani,chaussures Gucci, verres fumés Ray Ban et cravate Hermès, se penche par la fenêtre et demande au berger :
-- Si je peux vous dire exactement combien de moutons il y a dans votre troupeau, m'en donnerez-vous un ?
Ehlem regarde le jeune homme, puis son troupeau broutant paisiblement et répond simplement :
-- Certainement.
L'homme gare sa voiture, ouvre son ordinateur portable, le branche à son téléphone cellulaire, navigue sur Internet, communique avec un système de navigation par satellite, balaie la région,ouvre une base de données et quelque trente fichiers Excel aux formules complexes ; finalement, il sort un rapport détaillé d'une dizaine de pages de son imprimante miniaturisée et s'adresse au berger en disant :
-- Vous avez exactement 110 moutons dans votre troupeau.
-- C'est exact, dit Ehlem. Et comme nous l'avions convenu, prenez-en un.
Il regarde le jeune homme faire son choix et expédier sa prise à l'arrière de son véhicule, puis il ajoute :
-- Si je devine avec précision ce que vous faites comme métier, me rendrez-vous mon mouton ?
-- Pourquoi pas ? répondit l'autre.
-- Vous êtes énarque et vous faites des AUDITS , dit le berger
-- Vous avez parfaitement raison, comment avez-vous deviné ?
-- C'est facile : vous débarquez ici alors que personne ne vous l'a demandé, vous voulez être payé pour avoir répondu à une question dont je connais la réponse et, manifestement, vous ne connaissez absolument rien à mon métier.
-- Maintenant, rendez-moi mon chien !

Elhem voit ensuite arriver des camions dans lesquels le vieil homme sorti de l'hélicoptère fait monter les moutons. Etonné, il lui demande :
-- Que faites vous avec mon troupeau ?
-- Je les envoie paître dans des prés beaucoup plus grands à Lyon.
Quelques semaines passent. Ehlem apprend que 20 moutons sont morts dans les camions pendant le transfert, et que 30 autres n'ont pas supporté la nourriture trop riche de Lyon.

Ehlem s'approche alors du vieil homme qui est revenu, et lui dit :
-- Vous êtes énarque et vous travaillez pour l'ACAM, dit le berger.
-- Vous avez parfaitement raison, comment avez-vous deviné ?
-- C'est facile : vous arrivez pour vous occuper d'un troupeau qui va très bien, vous le décimez en le déplaçant dans un troupeau beaucoup plus grand et vous en êtes fier.
Maintenant, rendez moi ce qui reste de mon troupeau !

Ceci n'est qu'un conte... toute ressemblance avec la réalité ne peut être que fortuite et involontaire.