Source : La dépêche du midi
Une situation déficitaire; des salariés au bord de crise de nerfs; une direction contestée; des accusations de détournements de fonds; des choix stratégiques aventureux : la mutuelle étudiante Vittavi (ex-Smeso), dont le siège social est à Toulouse, traverse actuellement une grave crise. La saga démarre au mois d'octobre 2008 : le géant mutualiste aquitain Landes Mutualité, dont le siège est situé à Mont-deMarsan, s'associe à Vittavi. Le groupe montois, qui cherche à rajeunir son portefeuille, veut se rapprocher d'une mutuelle étudiante qui propose le régime obligatoire. Une union technique est constituée : chaque mutuelle reste autonome avec son propre conseil d'administration. Une nouvelle entité est créée, le Groupe Vittavi Mutualité (GVM), qui regroupe les moyens techniques, humains et financiers. Pour la mutuelle toulousaine, ce rapprochement est inespéré : fin 2008, elle accusait un déficit d'un million d'euros par manque d'adhérents et de rentabilité. Tout le contraire de Landes Mutualité qui présente alors une trésorerie florissante. Leur mariage permet aussi de couvrir trois régions à travers quarante agences Générations Mutuelles.
2 MILLIONS DE DÉFICIT
Un an plus tard, Vittavi est au bord du précipice : le déficit s'élève à deux millions d'euros et la mutuelle est tout près de la cessation de paiement. Des salariés dénoncent une gestion mal maîtrisée ainsi que «des développements hasardeux dans les DOM-TOM, avec des ouvertures d'agences pour une dizaine d'adhérents».
L'Autorité de contrôle des mutuelles (Acam),le gendarme des mutuelles, est saisie à la demande du président de GVM, Aurélien Roy, et décrète la mise sous tutelle de Vittavi. Un administrateur provisoire, Philippe Bonin, est nommé; il relève de ses fonctions le directeur général, Eric Gautier, et suspend le conseil d'administration. Dans la foulée, le groupe GVM puis Landes Mutualité sont également placés sous administration provisoire et tous leurs dirigeants débarqués. Curieusement, Eric Gautier, à peine démis, est repêché pour être nommé directeur général par intérim de GVM. Levée de boucliers à Mont-de-Marsan où les 110 salariés de Landes Mutualité (ils sont 80 à Vittavi) ne comprennent pas leur mise sous tutelle.
Ils sont d'autant plus étonnés que Philippe Bonin démarche le groupe Myriade, concurrent historique de Landes Mutualité. Une convention de substitution est conclue : Myriade prête 1,5 millions d'euros à Vittavi et accepte de couvrir le risque pour les 20 000 adhérents qui bénéficient du régime complémentaire. D'après les syndicats FO et CFDT, il s'agit d'une fusion déguisée qui va conduire au licenciement d'au moins cinquante salariés GVM dans les zones où Myriade est déjà implanté. Au sein du groupe, certains militent pour un rapprochement avec le groupe Reunica, le géant de la prévoyance, qui est en relation avec GVM depuis plusieurs mois. Des contacts en ce sens auraient d'ailleurs été entrepris il y a quelques jours par Philippe Bonin.
Aujourd'hui, le flou demeure sur l'état réel des finances de Vittavi, toujours sous tutelle de l'Acam. «Les adhérents sont sauvés pour la partie régime complémentaire mais on ne sait pas où on va, ce qu'il va se passer pour le régime obligatoire, qui concerne 70 000 mutualistes, et pour les salariés. On ne voit pas comment on peut éviter le plan social» confie un salarié. Sous le sceau de l'anonymat, un des administrateurs suspendus se veut rassurant : « Les adhérents n'ont jamais été en danger. Vittavi a encore énormément de capacité financière. Le risque est totalement écarté».
(*) Sollicités à plusieurs reprises, ni l'Acam, ni Eric Gautier, ni Philippe Bonin n'ont souhaité répondre à nos questions.
Polémique sur les frais des administrateurs
L'un des administrateurs de Landes Mutualité, Roger Cousseau, a déposé plainte à Mont-de-Marsan contre Joan Taris, administrateur de GVM et cadre du MoDem aquitain, pour « détournement de fonds». Dans la plainte, Cousseau reproche à Taris « d'avoir présenté une fiche de remboursement de frais de déplacement pour l'île de la Réunion et Mayotte alors qu'en fait, lors de ce déplacement, il a agi en tant qu'attaché parlementaire d'Abdoulatifou Aly, député MoDem de Mayotte, et non comme administrateur du groupe Vittavi ». Les frais en question portent sur 1 250 €, engagés par Taris durant son séjour dans les DOM-TOM entre le 10 mars et le 10 avril 2009. Pour Joan Taris, qui déposé plainte pour dénonciation calomnieuse contre Cousseau, la seule ambiguïté porte sur le remboursement d'un
repas et d'achat de livres, soit 166 €, mal retranscrits sur la note de frais. Pour le reste, il affirme avoir effectué un séjour de trois semaines à Mayotte au titre d'attaché parlementaire (un justificatif de l'Assemblée nationale faisant foi) et une semaine en qualité d'administrateur de GVM, pour une mission de prospection sur l'île de la Réunion où Vittavi cherche à s'implanter.
L'affaire aurait pu en rester là. Mais la diffusion de la note de frais de Taris au sein du groupe a déclenché une véritable tempête : un e-mail ultra-violent, dont l'adresse de l'expéditeur est celle d'Eric Gautier, a été envoyé aux administrateurs de GVM. Il parle en des termes racistes et orduriers d'une salariée du groupe, employée au service comptabilité et soupçonnée d'être à l'origine de la «fuite ». Inadmissible pour les salariés qui ont saisi le procureur de la République. Ils menacent de faire grève et réclament la démission d'Eric Gautier. Selon les proches du directeur général, Gautier n'aurait jamais écrit ce mail. Une enquête interne est en cours.
Sébastien Marti